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Position de Lire et Écrire en Wallonie sur le projet d’accord de coopération sur les bassins de vie

En mars 2013, Lire et Écrire en Wallonie diffusait une note de positionnement concernant l’accord de coopération entre la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Wallonie et la Commission Communautaire française, relatif à la mise en œuvre de bassins de vie enseignement-formation-emploi.

Alors que le texte va très prochainement passer en deuxième lecture au gouvernement, nous réitérons le positionnement de Lire et Écrire en Wallonie à cet égard. Celui-ci pointe les opportunités mais aussi les limites que présente le projet, et rappelle les missions essentielles qui devraient être développées au niveau territorial, en matière d’alphabétisation.

La place de l’alphabétisation et la prise en compte des personnes en situation d’illettrisme dans les bassins de vie organisés en Wallonie

Position de Lire et Écrire en Wallonie

Novembre 2013

A. Une avancée certaine…

En Wallonie, la réalisation des actions menées en faveur des personnes en situation d’illettrisme résulte de la collaboration entre des opérateurs d’alpha – principalement du secteur associatif – et les pouvoirs publics de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Entre ces deux niveaux, les communes peuvent agir notamment dans le cadre des Plans de cohésion sociale et certaines provinces interviennent pour soutenir des actions menées par les associations. Il existe également un certain nombre de lieux de concertation au niveau territorial permettant la coordination des actions d’alphabétisation avec celle d’autres opérateurs de formation ou d’accueil des personnes (par exemple du secteur de l’insertion socio­professionnelle – plateforme EFT/OISP – ou de l’action sociale – plateformes organisées par les Centres Régionaux d’Intégration).

Malgré cette diversité d’acteurs et d’organes mobilisés, il existe au niveau territorial peu de lieux dans lesquels les actions menées avec des personnes en situation d’illettrisme apparaissent de manière visible, concertée et coordonnée. Dans ce contexte, le projet des bassins de vie à l’échelle de différents sous-territoires de la Wallonie apparait comme une opportunité de renforcer la nécessaire coordination territoriale en matière d’alpha et de développer enfin les « plateformes territoriales » pour l’alphabétisation qui avaient été décidées en 2008 par la Conférence interministérielle pour l’alphabétisation, plate formes dont la mise en œuvre a été reportée sine die. [1]

L’avant-projet d’accord de coopération relatif à la mise en œuvre des « Bassins de vie enseignement-formation-emploi », prévoit d’inclure dans ses instances un représentant du secteur de l’alphabétisation avec une voix consultative. L’inscription de l’alphabétisation dans le processus de concertation est très certainement une avancée pour le développement territorial.

B. … qui a ses limites

L’avant-projet d’accord de coopération s’inscrit dans le contexte des politiques d’insertion socio­professionnelle et limite dès lors son champ d’action, d’une part, au niveau de la composition de l’instance – les représentants viennent principalement des mondes de la formation professionnelle et de l’emploi – et, d’autre part, au niveau des publics – puisque les projets menés dans les bassins de vie ciblent principalement, au niveau des adultes, les demandeurs d’emploi.

Lire et Écrire en Wallonie rappelle la place transversale de l’alphabétisation : au carrefour de la vie économique, sociale, culturelle et politique, l’alphabétisation est plus qu’une étape du parcours d’insertion socio­professionnelle. Elle induit des changements en profondeur dans les différentes sphères de la vie des personnes. En outre, la mi se en œuvre de s politiques d’emploi et de formation ne devrait pas reposer sur les seuls acteurs de l’éducation, de la formation et de l’emploi/du travail. Elle devrait également impliquer les acteurs du monde social et culturel qui, par leur ancrage local, sont des partenaires privilégiés pour rencontrer l es publics ou pour développer des actions qui sont des passerelles vers l’emploi ou la formation. Pour ces deux raison s, il serait important

  • d’une part, d’inclure dans la composition de l’instance Bassins de vie, un représentant du monde socioculturel, ainsi qu’un représentant du Plan de cohésion sociale (qui comprend un axe dédié à l’insertion socio­professionnelle) et un représentant des centres régionaux d’intégration des personnes d’origine étrangère.
  • d’autre part, de prévoir dans chaque bassin de vie un pôle alpha qui aurait la mission de coordonner les actions d’alphabétisation relevant des politiques d’insertion socio­professionnelle et d’intégration des personnes d’origine étrangère, en collaboration avec les organisme s partenaires de ces deux secteurs, mais aussi de renforcer les actions de lutte contre l’exclusion liée à la non maîtrise des savoirs de base, tant au niveau des jeunes en situation d’échec scolaire qu’au niveau des adultes qui vivent la non-maitrise des savoirs de base comme une entrave à l’accès à la formation et à l’emploi ou aux autres droits fondamentaux, ceci en collaboration avec les secteurs de l’éducation, l’emploi et la formation, mais aussi la culture et la santé.

C. Des missions pour le niveau territorial

En matière d’alphabétisation, Lire et Écrire en Wallonie rappelle les missions qui devraient être développées au niveau territorial. Il s’agit :

De promouvoir le droit à l’alphabétisation pour tous, ce qui implique :

  • de coordonner et déployer une offre de formation en alphabétisation, de qualité et de proximité
    – le nombre de personnes en difficultés de lecture et écriture restant très élevé dans notre pays
    – à partir d’un état des lieux de l’offre sur le territoire (à l’heure actuelle, l’offre n’est pas toujours visible et dans de nombreuses communes, il n’existe pas de formation en alphabétisation) ;
  • de soutenir la concertation entre des groupes de communes sur le territoire permettant de déployer une offre cohérente qui tienne notamment compte de la mobilité, principalement dans le cadre des Plans de cohésion sociale ;
  • de favoriser une bonne répartition de l’offre sur le territoire, en interpellant les communes qui, jusqu’ici, ne considèrent pas l’alphabétisation comme une priorité ou en soutenant l’action associative ;
  • de développer des formations qui intègrent de façon complémentaire/concomitante l’action d’alphabétisation dans le cadre d’une formation professionnelle (évitant aux personnes de passer de s années en alpha avant de rejoindre une formation professionnelle). Ceci remet en question les visions linéaires de la formation ;
  • de soutenir les projets visant à développer l’accompagnement méthodologique pour les opérateurs d’alpha qui le souhaitent.

De veiller à ce que les personnes en situation d’illettrisme ne fassent pas l’objet de discrimination, ce qui implique :

  • d’identifier les situations qui sont source s d’exclusion pour les personne en difficultés de lecture et écriture, jeunes et adultes, et de chercher des solutions ;
  • de développer des actions de prise en compte des personnes en situation d’illettrisme, de sensibilisation des personnes relais, potentiellement en contact avec des personnes en situation d’illettrisme et capables de tenir compte de leur situation ;
  • de lutter précisément contre les inégalités dans l’accès à la formation qualifiante et à l’emploi ;
  • de soutenir des projets d’action visant à développer l’émergence d’une demande, auprès des populations en situation de grande pauvreté ou très éloignées des mondes de la formation et l’emploi, en travaillant avec les partenaires de l’action sociale et du secteur socioculturel.

Le bassin de vie apparait comme le niveau territorial le plus propice pour mener ce type d’actions, en leur donnant un ordre de priorité qui pourrait varier d’un bassin de vie à l’autre, compte tenu de la situation socioéconomique et culturelle du territoire. Il est également essentiel d’accorder aux bassins de vie les moyens nécessaires pour remplir leurs missions et permettre la mise en œuvre des priorités définies sur chaque territoire.

D. Une vision globale

Enfin, au niveau de la Région wallonne, il serait pertinent que les représentants du secteur de l’alphabétisation puissent se rencontrer une ou deux fois par an, au sein d’une instance faîtière pour échanger sur les développements territoriaux et partager l’expérience, comme cela était prévu dans le dispositif des « plateformes territoriales » pour l’alphabétisation de 2008.

E. Et un rappel, en guise de conclusion

Dans ce contexte, Lire et Écrire réaffirme l’importance de respecter les principes de la Charte associative. Si le pouvoir public et l’associatif ont besoin l’un de l’autre pour travailler efficacement, cette collabo ration exige de redéfinir les limites du contrôle exercé par les autorités publiques. Dans le contexte actuel, l’intervention de l’État dans l’accompagnement des personnes vers la formation, voire dans les aspects pédagogiques, a tendance à se renforcer. Lire et Écrire réaffirme la liberté associative, notamment au niveau de l’accueil et de l’orientation des personnes, mais aussi au niveau des démarches d’apprentissage mises en œuvre dans les associations et, par conséquent, au niveau de leur évaluation.


[1Pour rappel, dans le projet « plateformes territoriales », il était prévu que Lire et Écrire exerce le rôle de structure d’appui. Ce rôle pourrait à nouveau être confié à l’association dans le contexte des pôles synergie des bassins de vie.